Un enfant
Un enfant, c’est ce qui reste de nous quand on est partis.
Le fruit d’un amour aussi certain que notre mort, aussi fort
que l’angoisse émouvante du vivant face à sa fin.
On y met tout ce qu’on a appris, acquis et capitalisé ;
on prend soin de ce corps qui nous appartient
à moitié ; on rejette sur sa pauvre âme
tous nos espoirs déçus, c’est-à-dire tous nos échecs.
Moralement, l’enfant se compose de tout
ce qui nous est inutile, ou pire : toxique.
En ignorant que nous sépare de ces êtres seconds
le temps dans ce qu’il a d’infranchissable (une époque ; une génération),
et en voulant que leur histoire – c’est-à-dire leur personne – s’inscrive dans la nôtre,
on fait de nos petits échecs des monstres à retardement.
On les aime, c’est bien ce qui fait mal,
car le seul amour altruiste est celui de soi-même
(il épargne les autres).
Lorsque l’on a créé l’objet de son amour,
n’allons pas le prétendre libre,
ni humain
à nos yeux.
Un enfant, c’est de la merde et de la chair en putréfaction :
les nôtres,
qu’on se fourre dans la bouche à la moindre occasion.